« La pêche à la petite pelote », est le titre d’un article de 1950 publié dans le Chasseur Français, qui décrit une technique de pêche désormais obsolète.
«Tous nos confrères connaissent la brème, ce cyprin au corps large, élevé, comprimé latéralement et recouvert d’écailles brillantes. Ils ont remarqué sa longue nageoire anale et sa queue fourchue, sa tête petite, sa bouche peu fendue et aux lèvres légèrement extensibles.
On ne la rencontre pas dans les eaux froides et torrentueuses. Son domaine est la rivière de plaine, lente, creuse, ombragée, aux eaux calmes, aux fonds de marne ou de sable vaseux. Grégaires, elles y vivent en troupes nombreuses, cantonnées dans les fosses profondes, à proximité d’obstacles naturels où elles se réfugient à la moindre alerte, car elles sont craintives et peureuses.
Nul poisson ne vient plus volontiers à l’amorce ; néanmoins, quand on veut réussir, il est bon de préparer à l’avance deux ou trois coups choisis pour la facilité de manœuvre des lignes.
C’est là qu’on tâchera d’attirer ce poisson fouilleur, à l’aide de boulettes de terre de taupinière un peu grasse, dans lesquelles sont incorporés les produits préférés, tels que : pain trempé, pétri et essoré, pommes de terre cuites écrasées, vers coupés, grains de blé ou d’orge bien cuits et crevés, vers de vase en fouillis, asticots, épines-vinettes, etc. ; la terre gagnera en attirance s’il y est mêlé du sang d’abattoir.
On déposera le plus silencieusement possible, chaque soir, une douzaine de boulettes de la grosseur d’une mandarine placées en deux lignes parallèles distantes de 2 mètres, environ.
C’est là qu’on viendra pêcher, au matin du quatrième jour, en s’approchant doucement et en prenant toutes précautions au sujet de la visibilité.
On peut parfaitement pêcher la brème à la coulée avec la ligne flottante ordinaire ; mais ce n’est point ainsi qu’on capturera les plus grosses. Celles-ci, très circonspectes, ne mordent guère qu’aux esches immobiles sur le fond. La pêche à la pelote est donc tout indiquée en ce cas.
Pour pêcher du bord, on emploie d’habitude une canne de 6 mètres en roseau ligaturé, assez légère et munie d’un scion affiné du bout. Le moulinet est à recommander et un simple suffit.
Si la confection des pelotes d’amorce ne demande pas des soins particuliers, celle de la pelote pêchante en exige davantage. La terre doit être grasse, onctueuse et ne contenir ni sable, ni gravier, herbes ou brindilles quelconques. Elle aura la forme et la grosseur d’un petit œuf de poule et sera copieusement farcie d’asticots. Le bas de ligne qui y est caché consiste, de préférence, en soie à lancer, sans apprêt, et de la plus grande finesse. Rien n’égale la souplesse d’une telle avancée, préférable aux guts 1 ou racines. On empile, à son extrémité, un hameçon arrondi, à courte tige, n°9 ou 10, très piquant. À 10 centimètres au-dessus, pincer un plomb de chasse n°00. Appâter l’hameçon de trois ou quatre asticots choisis ; enfoncer le pouce dans la terre et y loger haim 2, soie repliée et plombée ; reboucher le trou et rouler la pelote sur un lit d’asticots. Voici maintenant le plus difficile : faire parvenir la pelote au milieu de celles d’amorce, sans la briser. On n’y parviendra que par un très doux balancement de la canne, sous la main, en atténuant le plus possible le choc de la boulette avec la surface liquide ; accompagner ensuite sa descente en la retenant un peu, jusqu’à ce qu’une sensation d’arrêt vienne vous avertir que le fond est atteint. On peut, alors, ou bien poser la canne sur un support approprié, tendre légèrement le fil à l’aide du moulinet et mettre le cliquet ; c’est ce que font les membres des sociétés qui pèchent dans leur lot avec trois lignes, qu’il ne s’agit plus que de surveiller.
Les « vieilles mains », les « as » de la pêche à fond préfèrent de beaucoup la pêche « à soutenir », qui consiste à tendre légèrement sa bannière et à garder sa canne en mains. Je n’ai pas besoin de dire que cette dernière méthode est, de beaucoup, la plus passionnante. En effet, le pêcheur va rester constamment ainsi en contact direct avec sa pelote par l’intermédiaire du fil et demeurer seul juge du moment précis où il devra ferrer. J’ai dit que les brèmes venaient assez rapidement à l’amorce, attirées qu’elles sont par la longue traînée limoneuse qui part des boulettes et descend vers l’aval.
Elles ne tardent pas à remonter vers la source de cette provende inaccoutumée et y trouvent ces sphères dans un état plus ou moins déliquescent et laissant s’échapper multitude de bonnes choses. Pourquoi délaisseraient-elles la pelote pêchante, qui leur ressemble comme une sœur et, mieux garnie de proies, est encore plus alléchante ? Bientôt, le pêcheur ressentira une série de petits chocs, d’abord fort discrets, puis de plus en plus nets et francs ; il importe qu’il reste absolument impassible, mais prêt à tout événement.
Étant donnée la mollesse relative de la terre qui se détrempe de plus en plus, le manège des assaillants ne saurait longtemps se prolonger.
Sous les chocs répétés, la pelote s’ouvre et se sépare en fragments, laissant à nu l’hameçon esche, immobile sur le sol. Quel convive affamé résisterait à la vue d’une bouchée aussi appétissante ?
Bientôt, une brème large comme un battoir — expression consacrée — engame l’esche succulente et, de la position oblique à laquelle sa prise l’a obligée, revient aussitôt à l’horizontale pour l’avaler plus à l’aise. De ce « relevage » résulte une détente subite du fil, et le scion, jusqu’alors légèrement incurvé, redevient droit pour quelques instants. Mais cela ne dure pas ; le fil se tend de nouveau avec plus de violence, et le moulinet part … c’est le classique coup tirant. Après un court relâché, le pêcheur répond par un coup de poignet franc, sans raideur, et voici notre brème prisonnière. En général, même si elle est grosse, sa défense n’a rien de terrible et la soie à lancer, sans nœud, est solide. Il faut lui relever le nez et lui laisser faire ses évolutions en pleine eau, loin des obstacles. Ensuite, l’amener progressivement ; en surface, elle va tournoyer sur elle-même et battre l’eau de sa queue. Amenez sur l’épuisette et empochez sans hésitation. À ce propos, on ne saurait trop recommander de se munir d’une épuisette à grande ouverture, sans quoi un corps aussi large ne pourrait y entrer. Il heurterait le cercle extérieur, et tout serait remis en question. Ne jouons pas inutilement la difficulté.»
– R PORTIER.
Le Chasseur Français N°642 Août 1950 Page 469
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Autres ressources
- Comment pêcher la brème en étang
- La pêche de la brème en été (www.garbolino.fr)
Notes
Article mis à jour en 2024, publié initialement en 2008.